Timothy Byron. Byron. Lord Byron. Poésie. + Chacun n'est au fond qu'une suite de mots, mots et maux causés par des rencontres, mots qui ne sont que maux, maux qui se perdent pour un sourire. Maux qui se taisent quand on en perds les mots. Et dieu sait que Timothy les perd plus souvent que quiconque. Mais au fond, n'est-il pas qu'un mot lui-même? Ne le sommes-nous pas tous? Mots. Car un nom est un mot, et que nous ne serions sans ce nom. Sans ce mot. Sans ces maux.
Timothy fut un gamin comme un autre. Timmy. Renfermé. Les yeux grand ouverts mais pourtant si ternes. Le monde lui promettait ses merveilles, mais il n'en pouvait voir aucune. Enfermé. Tant en lui que dans une cage dorée. Là ou il a grandi. Son père faisait figure de héros. Après tout, il est bien rare de voir des hommes de son envergure, de son état, dans son métier d'élever seul l'enfant qui leur reste. Qui est leur dernière chose. Mais Thomas Byron a très bien compris que jouer sur la corde sensible serait une excellente stratégie pour gagner des voix. Il s'affiche avec son fils, un sourire aux lèvres, moins d'une semaine après la mort de sa femme. Il continuera à se battre. Pour son rêve. Pour une meilleure société. En la mémoire de celle qu'il n'aima pas, peu importe ce qu'il put prétendre, car tout ne fut jamais que faux semblants. Ces quelques sorties sous les projecteurs, pour lui donner bonne allure, sont probablement les seules moments ou le père voit son fils. Lui fait preuve de tendresse. Timothy, du haut de ses trois ans, n'ose pas sourire.
Il grandit seul, car la valse des nourrices ne lui offre pas de repère. Il grandit ne sachant que faire. On lui apprends le piano, et il goûte la musique. Mais son premier amour, son seul repère reste ses mots. Ses mots à lui, derrière lesquels il s'est muré. Il ne parle pas. Il serre contre lui une peluche usée, dont le parfum féminin lui rappelle une mère, dont le sourire, le souvenir s'est évaporé. Il ferme les yeux. Petite chose déjà brisée. Qui ne rêve plus, se perds juste dans un monde de conte de fées, ou les mots sonnent justes, sonnent vrais. Il sourit, il écrit. Il a six, huit, dix ans. Il grandit mais au fond rien ne change. Car il ne vit pas, pas vraiment, enfermé là dans sa cage à moins qu'on le sorte pour l'exposer. Animal de zoo. Animal de cirque. Animal apprivoisé. Il grandit. Il se tait. Comme toujours. Comme s'il n'y avait rien d'autre à faire.
Bientôt, il est un adolescent qu'on jette dans un autre enclos, enclos dont il ne connait pas les règles. Il a toujours étudié chez lui, plus proche de son précepteur que de son père. Mais il lui a fallu rentrer dans un prestigieux lycée. En apparence intégré, personne ne le connait vraiment. On lui en fait voir de toute les couleurs, et il pleure. Il pleure la nuit entre ses draps. Un jour, finalement un des garçons lui parle. Le fait sourire. L'empêche de se sentir si seul. Il lui donnerait tout, aussi vulnérable qu'il est. Naïf, trop naïf. Il ne lui faut pas une semaine pour tout lui céder. Son innocence et le dernier voile posé sur ses yeux et levé.
Il ferme les yeux. Pleure à nouveau. Fais son coming-out à son père un jour ou il le voit, dans un quelconque restaurant huppé. Il est une honte. Il n'a jamais été voulu. Mais son père fait mine de rien devant les caméras. De nouveau, il est outil de campagne. De nouveau, il ferme les yeux, se mure dans le silence, derrière ses mots qu'il ne dit plus, qu'il écrit juste. Il entre dans le monde de son père, commence la politique. Il voudrait être poète. Son père le veut à son côté. Il l'humilie en privé, mais à besoin de faire mine de le supporter pour soutenir son changement de parti. Après tout, il doit faire parti du côté des gagnants. Et les démocrates supportent les droits des gays. Quoi donc de mieux que sa tapette de fils à ses côtés pour prouver sa bonne foi.
Timothy voudrait dire non. Partir. Courir loin. Mais il ne sait pas comment. Alors il fais comme il le peut. Il ne travaille pas vraiment de toute façon. Son père ne lui fait pas confiance. Il a accès aux informations, doit signer à un endroit ou un autre, mais ne prends jamais de vraies décisions, peu importe son statut dans l'équipe. Peu importe les apparences. Et encore des années après, au fond de son lit, les larmes noient son âme.
Il n'a que deux répits. Une heure au déjeuner dans un diner, toujours le même, ou la serveuse, en âge d'être sa mère, s'est amourachée du gamin. Et là, entre un milkshake et un brownie, il écrit. Il écrit tout. Les mots qu'il ne sait dire, les choses cachées, la vie, l'oeuvre, les mensonges, les larmes, l'amour, son rêves, ses rêves, le futur, des mots.
Mots. Encore et toujours eux.
Noms, verbes et adjectifs qui s'entremêlent.
Qui se donnent du sens ou s'aident à en perdre.
Dans cette musique qui ne pourrait être entendue que par lui.
Poésie.
L'autre est un orphelinat. Petit, en mauvais état, ou du moins, c'est ce qu'il était la première fois qu'il y a posé un pied. Son univers, pas pour les caméras. Une salle. Et Andrew, Lena, Jazzlyn, Theodore, Roxie et Cameron. Comme s'ils étaient à lui. Il sont trop vieux pour prétendre à être adoptés maintenant. Alors il en prends soin, qu'il ne finissent pas aussi brisés que lui. Leur donne une espérance qu'il n'a pas. Avec eux il parle, il joue, il rit. Il leur a appris à lire, à écrire. Il leur apprends le monde et la poésie, laissant peser dans leurs yeux le doux voile de l'innocence. Et il sourit. Et il passe plus de temps là que dans son appartement pour lui seul. C'est là qu'est sa vie. Une réunion d'âmes seules, sans famille, dont personne n'a vraiment voulu.
L'amour dont il avait toujours rêvé. Il est entré. Il a pris son coeur et Tee, Tee comme Zack l'appelle n'a simplement pas su résister. Il a tenté. Mais maintenant il ferait juste tout pour le garder. Il écrivait un jour, enfermé dans son monde quand un blondinet à l'accent français à percé sa bulle. Il a hésité. Il n'a pas compris. Il l'a aimé au premier mot qu'il a dit. Il l'a aimé simplement, et il ne veut rien d'autre que lui. Que les choses restent simple, car maintenant, il a une raison de rentrer chez lui le soir. Et il ne pleure plus entre ses draps, blotti qu'il est entre les bras de celui qu'il croit l'homme de sa vie. Il lui dit tout, lui écrit presque ses articles. Les yeux trop grand ouverts sur lui et pas assez sur le monde pour remarquer que les rumeurs dont il lui fait part son retranscrites au monde. Il l'aime, l'aime comme il n'a pas assez de mots pour le dire. Il l'aime d'amour, d'amitié, et de tout ce qu'on pourrait imaginer. Il l'aime, d'un amour simple et naturel. Obsessif, presque. Car Zack est son Apollon, le seul dieu en qui il ne croira jamais. Pas de complot pour lui, juste une innocence trop grande qui lui est revenue doucement. Juste une attente d'un monde qui en un instant lui a semblé plus beau.
Il s'est désembourber de la noirceur de sa dépression. Il cache les maux par des mots. Il laisse Zackary panser ses cicatrices avec ses baisers. Et il sourit.
Si seulement tout pouvait toujours rester aussi simple.